Il semble évident que le Québec, comme le reste de l'Occident, connaît une crise identitaire. Le progressisme de la Révolution tranquille, le modèle québécois, le lien entre les générations, tout cela semble s'essouffler. De l'autre côté, alors qu'on nous annonçait la mort des nations et les jours heureux de la mondialisation, les événements récents aux États-Unis et en Europe viennent nous rappeler que les identités sont importantes, que la liberté et la démocratie doivent être enracinées. Au-delà de l'attente du grand soir souverainiste ou des valeurs abstraites de la CAQ, il nous faut redécouvrir notre identité profonde en tant que Québécois tout en insistant sur nos libertés.
L'identité originale du peuple québécois se trouve dans son héritage catholique et français. Le malaise identitaire québécois n'est peut-être pas tant une crise identitaire qu'un cas classique d'un peuple ayant perdu le contact avec son passé. Si l'on ignore d'où l'on vient, on ne peut savoir où l'on veut aller. Il est essentiel de comprendre cela si l'on veut saisir la formation et l'identité du Québec. Il ne s'agit pas de rejeter l'influence américaine, qui comporte aussi du bon, mais de se rappeler que la force du Québec, et du Canada dans son ensemble, repose sur l'ensemble de son parcours historique.
Ainsi, définir la nation québécoise comme laïque, démocratique, et valorisant l'égalité entre les hommes et les femmes n'est pas en soi un mal. Le problème, c'est que ces principes sont souvent présentés comme des valeurs abstraites, déconnectées de l'histoire, dépourvues d'une amitié sincère avec le passé. Les valeurs n'ont de signification que si elles s'inscrivent dans une continuité historique et un respect pour les siècles passés. À elles seules, les valeurs sur lesquelles veut se fonder le nationalisme québécois, tel qu'incarné par la CAQ, n'ont donc rien de spécifiquement québécoises.
Car, le Québec n'est pas né en 1960, à l'époque de la Révolution tranquille. En 1960, les Québécois formaient déjà une nation vieille de quatre cents ans. Et si l'on intègre l'histoire de la mère patrie, son passé s'étend sur plus de mille cinq cents ans, remontant jusqu'au baptême de Clovis. C'est pourquoi, bien plus qu'une simple indépendance politique, où l'énonciation de valeurs abstraites, il faut d'abord que les Québécois retrouvent le sens de leur histoire longue et entreprennent un travail de redécouverte culturelle critique. À défaut d'un tel exercice, la nation risque de devenir sans racines, confuse quant à son identité et ignorante de son rôle dans le monde. Une partie de la solution à ces défis réside dans la célébration de notre passé, car il forme le cœur de notre identité. Ce travail s'inscrit dans la nécessité de renouer avec nos traditions.
C'est vrai que le Québec a aussi été façonné par l'interaction avec différents peuples et cultures, du contact avec les Premières Nations aux vagues d'immigration du XXe siècle, ces relations ont contribué à bâtir le caractère unique de la nation. Pourtant, surtout depuis la Révolution tranquille, une certaine déconnexion avec l'origine du Québec, voire même du Canada, s'est installée. Ce pays fut fondé par la France avec qui sa relation a fluctué à travers le temps mais est demeurée essentielle à son essence. Rappelons que de 1663 à la Conquête de 1760, le Canada, comme on appelait alors le Québec, était une province de la France au même titre que la Normandie ou la Bretagne. Le Canada n'était pas une simple colonie, la nation a été fondée au sein d'un espace civilisationnelle plus large, ce qu'on appelait la Chrétienté. Ce passé « civilisationnel » est d'une importance capitale, car c'est dans ce cadre précis que la tradition libérale-conservatrice a pu naître.
Cette tradition libérale-conservatrice, qui se veut la synthèse de la Chrétienté et de l'esprit des Lumières, vient nous rappeler qu' il ne s'agit pas non plus de figer ce passé ou d'adopter une attitude purement réactionnaire qui enfermerait le peuple dans un immobilisme stérile. Au contraire, en insistant sur la dignité et l'importance de l'individu et de sa responsabilité, elle nous appelle à libérer le potentiel créateur des Québécois. C'est pourquoi, elle insiste sur libertés qui permettent à un peuple de prospérer et d'innover tout en sachant bien, qu'un pays qui possède un sens de sa continuité, de son identité et une stabilité politique dispose de trois atouts critiques pour assurer son succès et sa croissance. Car, ce sens de la continuité permet une trajectoire de développement plus cohérente et durable.
Malgré les défis, le Québec possède des forces importantes : une population habile et créative, de vastes ressources naturelles et un potentiel agricole et industriel non négligeable. Malheureusement, ces atouts ne sont pas pleinement exploités, car nous restons prisonniers du modèle issu de la Révolution tranquille, où l'État est perçu comme l'unique expression de la collectivité. L'État a un rôle crucial à jouer, un rôle stratégique, mais il ne doit pas se confondre avec la nation. C'est par la redécouverte libre et spontanée de nos racines que nous mettrons notre tradition au service de nos libertés. Depuis trop longtemps, une élite progressiste nous détache de nos vraies racines et freine notre plein potentiel. Il est temps de renouer avec notre essence pour mieux bâtir l'avenir. Il est essentiel que nous, conservateurs, sachions embrasser ces deux piliers que sont l'identité et les libertés.